Rôle du parent

Jouez-vous assez avec votre enfant?

Opinion -

Quand la rédactrice en chef de Vifa Magazine m’a demandé d’écrire un article sur le temps qu’on passe à jouer avec nos enfants, je savais que j’allais tomber dans un vortex de culpabilité. C’est vrai : je ne joue pas assez souvent, pas assez longtemps et sûrement pas de la bonne façon avec mes deux petits…

Jouez-vous assez avec votre enfant?
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Mes recherches préliminaires ont confirmé mon intuition : je ne joue pas assez!

 

Alors, dans les jours qui ont suivi, je me suis mise à me rouler par terre à toute heure du jour ou du soir avec mon garçon d’un an et ma fille de 4 ans. Pour la plus grande, j’ai sorti le jeu de mémoire qui prenait la poussière dans la bibliothèque (« allez, il est où le petit oiseau rouge qu’on a vu tantôt, han, il est où, t’en souviens-tu? ».

 

Avec le petit, j’ai feuilleté les livres pour bambins avec différentes textures, j’ai fait des constructions avec des plats Tupperwares [« Oh, la belle tour! Wow, allez on recommence. Ok, au tour de maman. »]

 

Bref, j’étais insupportable.

 

Après 5 ou 6 jours de ce régime, j’étais épuisée. Et mes enfants aussi. C’est à ce moment que j’ai parlé à Simon Lapointe, doctorant en psychologie et psychologue au Centre d’intervention multidisciplinaire pour l’élève de Repentigny. Il a répondu à mes 4 questions sur le jeu. Pour déculpabiliser, c’est par ici…

 

 

1. Pourquoi est-il important de jouer avec son enfant?

Les raisons sont multiples pour jouer avec l’enfant. D’abord, cela apporte du plaisir, autant au parent qu’à l’enfant [la plupart du temps!]. Ça renforce le lien parent-enfant et ça permet de développer une relation qui soit en dehors de la discipline et de l’autorité.

 

Pour le psychologue Simon Lapointe, le jeu sert aussi à développer des capacités cognitives importantes. « C’est à travers le jeu que les enfants se préparent à l’école, qu’ils construisent leur “appareil à penser”, explique-t-il. Par exemple, c’est par le jeu que les enfants comprennent la différence entre le réel et l’imaginaire. La meilleure façon de jeter les bases de l’apprentissage de la lecture est de lire une histoire avec son enfant. »

 

Enfin, le jeu entre parent et enfant permet de réguler les différents niveaux émotionnels de la journée. « C’est souvent par le jeu qu’une enfant “digère” ce qui lui est arrivé, dit Simon Lapointe. Par exemple, ce serait très sain qu’un enfant qui a été puni et qui en a eu honte joue à punir ses parents. »

 

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2. Combien de temps faut-il jouer avec nos enfants chaque jour?

Déjà qu’il faut manger santé, essayer de se déplacer sans notre voiture lorsque cela est possible, prendre du temps « pour soi »… comment faire pour aménager en plus du temps de jeu? Difficile de mettre ces moments à l’horaire lorsqu’on voit la vaisselle s’empiler sur le comptoir.

 

Selon Simon Lapointe, ce temps n’a pas besoin d’être long. Il n’a même pas besoin d’avoir une période délimitée qui lui soit uniquement consacrée. Oui, on peut jouer en faisant autre chose! C’est la qualité qui prime la quantité.

 

L’idée, c’est de prendre un temps, qu’il soit grand ou petit, de façon régulière, au quotidien, où on est à l’écoute de nos enfants, de leurs désirs, de leurs émotions, de leurs apprentissages. Pas si compliqué, finalement.

 

3. Ok, mais voici la question tabou : si on n’aime pas jouer avec nos enfants, on fait quoi?

Le psychologue Simon Lapointe semble l’avoir déjà entendue, celle-là. « Le jeu n’a pas besoin d’infantiliser les parents », dit-il. [C’est à ce moment que je ris en repensant à mes roulades par terre pour « jouer » avec mes enfants.]

 

Le jeu n’est pas obligé d’être complexe ou physique. Un parent assis sur son fauteuil avec son café, sans journal ni téléphone à la main, peut simplement commenter le jeu de son enfant. « Le jeu, ce n’est pas que de l’excitation, dit Simon Lapointe. Jouer, ça peut être parler. Ça demande simplement que le parent descende dans l’univers de l’enfant. »

 

Et la télé? Avec la présence sans cesse décuplée des écrans, ceux-ci peuvent parfois devenir un obstacle au temps de jeu parent-enfant. Mais le psychologue Simon Lapointe ne diabolise pas la télé ou la tablette. Il précise que c’est normal de mettre les enfants quelques minutes devant un écran pour pouvoir préparer le souper.

 

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Cela reste sain tant qu’il existe d’autres moments où le visionnage est accompagné. On peut s’asseoir avec notre enfant et appuyer sur « pause » à quelques reprises, soit pour discuter d’une émotion ou d’un fait, soit pour demander à notre enfant de nous raconter l’histoire. Selon Simon Lapointe, cela peut même devenir une base pour faciliter la compréhension de textes à l’école!

 

Faire les courses peut aussi devenir un temps de jeu : à la pharmacie ou à l’épicerie, on peut donner des missions aux enfants en âge de le faire, comme d’aller chercher le savon. On peut jaser en vidant le lave-vaisselle.

 

En voiture, on peut s’attarder à ce qu’on voit par la fenêtre. « L’idée est de sortir pendant un moment des contraintes. Se taquiner, changer de rôle », souligne le psychologue.

 

En fin de compte, quand on parle à un spécialise, on réalise que de façon totalement naturelle et instinctive, on joue bien plus qu’on ne le croie avec nos enfants. Ouf!

 

4. Super, mais si on a à choisir, quels sont les jeux à privilégier?

Ici encore, pas de réponse universelle. Tous les jeux sont bons pour les enfants : autant les jeux de rôle que les jeux physiques, autant les jeux éducatifs que les jeux de société. Le but, c’est de proposer, mais de ne pas imposer un jeu précis.

 

Et même si on veut jouer avec notre enfant, il doit aussi apprendre à jouer seul. « Le jeu est un espace transitionnel de la même façon que la doudou est un objet transitionnel, indique Simon Lapointe. Le fait de plonger seul dans un jeu signifie que l’enfant a intériorisé la présence des autres. Une fois le jeu initié, on peut se lever et dire qu’on retourne préparer le repas. »

 

Finalement, conclut le psychologue, le jeu est une question d’importance capitale. « Un enfant incapable de jouer nous donne un indice que quelque chose ne va pas. Jouer, c’est apprivoiser les émotions. Se perdre dans ses pensées, ce n’est vraiment pas perdre son temps! »

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