Rôle du parent

Partir en voyage sans mes enfants fait de moi une meilleure mère

Opinion -

Je suis partie en voyage sans mes enfants. Sans eux, comme dans « toute seule ». Trois fois plutôt qu’une, je me suis envolée vers des contrées lointaines.

Et puis quoi? Eh bien, rien!

Rien, à part le fait que ça fasse de moi une meilleure mère.

Partir en voyage sans mes enfants fait de moi une meilleure mère
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Sachez d’abord que je suis une mère tout à fait convenable pour mes enfants de 2 et 4 ans. Je précise, car vous me lisez fort probablement sans vraiment me connaitre. Le genre qui va au parc, à la patinoire, à la piscine, à la bibliothèque. Qui encourage, console, soigne, éduque, cajole. Qui cuisine des galettes maison avec du chia et de la purée de dattes. Qui anime une activité de bricolage au CPE. Qui lit une histoire, chante une chanson, et donne un-câlin-un-bisou-un-verre-d’eau-un-bisou-spray-net-et-un-dernier-dernier-bisou-le-dernier-des-derniers à chaque enfant avant le dodo (puis qui retourne encore 4 fois). Pas que le nombre de galettes bios, de bisous ou de visite à la biblio soit directement proportionnel avec la qualité d’un parent. C’est pour me justifier vous démontrer qu’on peut être une mère relativement impliquée, tout en se sauvant de temps en temps à l’autre bout du monde sans sa progéniture.

 

Ça m’a valu des félicitations, et des commentaires d’admiration, mais aussi du jugement, et de l’envie, parfois.

 

« Avoir du temps pour moi, oui. Mais aussi avoir du temps pour penser. À ma vie qui me comble. À mon quotidien, qui va vite mais qui me remplit d’une si belle façon. »

Un peu de répit… et de temps

J’aime mes enfants. Plus que ma mère, plus que mon chum, et plus que moi-même, comme tout bon parent qui se respecte. Mais avec eux, je m’oublie parfois. J’oublie ce que j’aime faire, parce que je ne peux pas toujours le faire. J’oublie ce que j’aime être, parce que je ne peux plus l’incarner à chaque instant. Parfois, j’oublie même que j’aime ma vie, parce qu’elle file à toute allure.

 

J’arrête avant de me transformer en Paulo Coelho. Mais pour reprendre l’idée du plus célèbre des romans de gare, il faut parfois (re) partir à la quête de sa légende personnelle (interprétation libre: retrouver ses envies profondes). Concept un peu sirupeux, mais pas fou non plus.

 

Bref. Partir à la grande conquête de ma légende se fait bien souvent en achetant un billet vers l’autre hémisphère, et en bourrant le congélateur pour m’assurer que mes enfants ne manqueront d’aucun nutriment. Je quitte seule, comme si je n’avais jamais enfanté de ma sainte vie (mais je facetime mes enfants chaque matin en leur envoyant compulsivement des cartes postales à tout vent).

 

Et je profite.

 

Manger à l’heure que je veux. Sortir le soir sans appeler une gardienne. Sortir 3 soirs consécutifs sans me sentir coupable. Déjeuner dans le silence. Écouter de la musique sans que mon fils me demande de rejouer Bohemian Rhapsody 5 fois en boucle (j’adore Freddie, mais 29 minutes de scaramouche, c’est beaucoup). Me perdre en vélo pas de freins à 43 °C sur une petite route de campagne thaïlandaise sans voir planer la menace d’ennui ou d’hyperthermie, de déshydratation ou d’insolation (à part la mienne).

 

Et au-delà de ça.

 

Avoir du temps pour moi, oui. Mais aussi avoir du temps pour penser.

À ma vie qui me comble. À mon quotidien, qui va vite, mais qui me remplit d’une si belle façon.

 

Avoir du temps pour réaliser. Que j’en fais beaucoup. Que c’est normal de manquer de patience parfois. Que mes enfants en font beaucoup. Que c’est normal qu’ils explosent de stress et de fatigue parfois. Que la pression et la culpabilité planent toujours. Que ça fait parfois du bien de s’en délester pour le réaliser.

 

Avoir du temps pour apprécier. Mes enfants en santé. Ma maison pleine de vie. La présence de mon chum. Le support de ma famille. Ma chance d’avoir tout ça.

 

Et je reviens avec les bagages remplis de babioles, la tête pleine de souvenirs, mais surtout le cœur encore plus débordant d’amour pour ma famille, comme si c’était possible.

 

Et ÇA, ça aide à être patiente. Tolérante. Empathique. Dévouée (et accessoirement, motivée à faire des galettes bios au chia pour la prochaine année).

 

Ça aide à être une meilleure version de moi-même.

 

Amener ses enfants ou non. Là n’est PAS la question.

Vous allez me dire « mais voyager avec ses enfants, c’est l’fun aussi ». Oui, je le sais, je l’ai fait. Trois fois aussi. Et j’ai adoré! Mais les voyages avec des enfants en bas âges, c’est un peu plus laborieux. Et il y a la question des souvenirs. S’en souviendraient-ils vraiment? Probablement. Mais là n’est pas la question. Et puis je m’éloigne du sujet.

 

Évidemment, je souhaite que mes enfants voient du pays et deviennent de petits citoyens du monde. Qu’ils observent les pêcheurs de poulpe au port d’Amoudi, s’étonnent des maisons troglodytes de Matmata, rigolent du nasi goreng au déjeuner. Qu’ils se sentent petits devant l’immensité des rocheuses chez leur oncle Hubert, creusent le sable d’Havre-aux-Maisons en quête de palourdes, apprennent à faire pipi dans une toilette turque. Qu’ils entendent l’appel du muezzin à la place Jemaa el-Fna, sentent l’encens des offrandes bouddhistes à Ubud, se perdent (mais pas trop longtemps!) dans le bazar de Chatukchak. Qu’ils comparent les bleus des mers Adriatique et Tyrrhénienne. Andaman et Sulu.

 

Mais il faut se dire les vraies affaires : les envies de pipi, les repas à l’heure des repas, les collations, la crème solaire, le party de lingettes humides, les vols de nuit pas assez longs, les vols de jours beaucoup trop longs, les escales trop courtes, les escales pas assez courtes, les trop longs vols sans escale, les siestes, encore la crème solaire, les chicanes, les dégâts, les dégâts de crème solaire (…), la fatigue (seigneur, LA FATIGUE!) et tout le reste, ça te brime un tantinet la spontanéité. Alors des fois, on peut se permettre d’y aller sans, aussi.

 

Lancez-moi du sable si vous voulez (tant que ce soit celui d’une plage d’El Nido).

 

 

 

En résumé : prendre le temps de s’évader

Évidemment, je ne vous dis pas qu’il faut absolument vider son CELI, liquider sa banque de vacances et s’envoler à l’autre bout du monde pour être capable d’apprécier son quotidien familial. Le voyage étant ma passion (pas la plus économique, j’en conviens; vous devriez plutôt vous adonner à la philatélie), c’était une option tout indiquée pour moi. Mais le temps pour soi se trouve aussi ailleurs; dans un souper entre amis, un café en solitaire en plein cœur de la fin de semaine, dans un bain plein de mousse le mercredi soir, au milieu d’un livre ou d’une marche en forêt. À chacun ses intérêts et ses possibilités.

 

Ça vous a convaincu? De mon côté, une page toute vierge de mon passeport est prête à accueillir le tampon des Philippines.

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