Jeunes, nous étions stimulés par tout ce qui nous tombait sous la main. Il suffisait d’aller dehors pour improviser spontanément des jeux aussi farfelus que motivants. Grimper dans les arbres, jouer à l’élastique, au hockey… Que s’est-il produit pour qu’il n’en soit plus ainsi? Surprotection des parents ou manque de créativité des enfants envahis submergés par trop de choix? L’avis d’un ex-enfant devenu père.
Lorsque j’étais enfant…
Je vivais dans un quartier tranquille de Laval sur une rue peu passante, près de la rivière des Prairies. Tout mon univers était à moins de cinq minutes de marche : école, dépanneurs, parcs, piscine, patinoire et, surtout, mes amis.
Dans ma cour non clôturée, je grimpais quasiment tous les jours dans mon pommier. Je marchais seul jusqu’au dépanneur pour acheter des framboises à 1 ¢ ou le journal pour ma mère.
En quelques minutes, je pouvais rassembler deux ou trois amis et partir à vélo — sans casque et parfois sans freins — près du pont Viau. Nous lancions des roches dans l’eau bouillonnante.
Je pouvais aussi aller jouer quelques heures dans le champ derrière l’école Mont-de-La-Salle, et gratter avec mon canif des bouts de bois trouvés ici et là.
Bref, j’étais libre dans un périmètre assez grand.
En discutant avec ma conjointe, je m’aperçois qu’elle fait le même constat. Elle se rappelle même être souvent partie plusieurs heures avec des amis pour faire du ski de fond dans le bois.
D’enfant à parent
Tous les endroits mentionnés plus haut ont connu des drames. Ces événements tragiques sont constamment présents dans ma tête de parent. Mes propres accidents viennent aussi hanter mes pensées quand vient le temps de laisser sortir les enfants.
À cela, ma tête de père ajoute d’autres hantises : épisodes d’enfants enlevés ou agressés, études scientifiques sur les séquelles d’une chute, risques de noyade, etc. Et que dire des nouvelles qui me rappellent constamment que le danger est partout, tout le temps…
Mes enfants aujourd’hui
J’habite maintenant sur un boulevard. L’univers de mes enfants est toujours à moins de cinq minutes, mais en voiture ! Le quartier est également tranquille, mais les automobiles roulent beaucoup plus vite. Et il me semble qu’il y a moins d’enfants dans les rues.
Pas question d’aller au parc tout seul. Trop dangereux et trop loin. Je les accompagne.
Comme je n’ai pas toujours le temps : j’ai aménagé un espace pour que mes enfants puissent jouer dans la cour : deux balançoires, une glissade, un mur d’escalade, une échelle, une corde. Si, pour eux, c’est autant de façons de bouger et de s’amuser, pour moi, je n’y peux rien, il s’agit de millions de façons de se faire mal. En pensant comme ça, je sais pertinemment que je les limite dans leur développement. Alors, j’essaie de me raisonner. Tout en gardant une oreille attentive à leurs besoins.
Quant au vélo, il se pratique en famille, avec casque. Du moins pour eux.
La cour est clôturée. La piscine aussi. Pas de danger de ce côté-là. Dès que je les perds de vue deux minutes, je ne peux m’empêcher de les appeler. Si je n’ai pas de réponses, c’est plus fort que moi, je cours voir.
La journée est souvent ponctuée de « descends de là, tu vas te faire mal » et « ne prends pas ça, tu vas te blesser » ainsi que du fameux « on va y aller tout à l’heure ensemble ».
Surprotection ou manque de créativité ?
Mes enfants manquent-ils de créativité ? Fort probablement que non. Suis-je trop protecteur ? Sans doute. Résultat : mes enfants sont captifs de mon temps et de mon humeur…
Je dois apprendre à avoir confiance et les sensibiliser aux risques. Je dois leur laisser plus d’espace et une marge de créativité plus grande. Si chaque action qu’ils essaient de faire est encadrée de limites et de contraintes, je suis conscient qu’ils ne pourront pas développer adéquatement leurs capacités motrices et leurs habiletés, encore moins leur imagination.
Le savoir est une chose. Encore faut-il trouver le juste milieu, et espérer qu’il ne soit pas trop tard.