Hyper sécurité: pourquoi la surprotection nuit-elle au développement de l’enfant?
On le sait, le jeu libre est important, voire nécessaire au bon développement des enfants. Confiance en soi, apprentissage du risque, développement moteur, et valorisation de l’effort ne sont que quelques-uns des nombreux bénéfices que les enfants en retirent.
Le jeu libre, c’est quoi? |
---|
Pour être qualifié de « libre », le jeu doit :
|
Or, lorsque le parent intervient dans le jeu libre, il diminue le plaisir (et les bénéfices) que l’enfant en tire.
« On a de plus en plus tendance à engager nos enfants dans des activités encadrées » a souligné le kinésiologue Bruno Durand lors de la conférence sur l’hyper sécurité organisée par la communauté 100° de Lanaudière en février dernier.
Selon lui, en enfant qui fait, par exemple, une activité de bricolage dirigée, doit suivre des consignes et respecter des étapes. « On s’éloigne du jeu libre. Des chercheurs qui s’intéressent à l’importance du jeu libre depuis les années 50 ont remarqué une diminution du jeu libre et actif. Aujourd’hui, les enfants passent le sixième du temps qu’ils passaient à faire des jeux libres », se désole-t-il.
Et au même moment, les problématiques de santé mentale augmentent de façon fulgurante chez les enfants. « On compte 8 fois plus de cas d’anxiété et de dépression. La corrélation est là, avec la diminution du jeu libre », soulève le kinésiologue.
Mais pourquoi les enfants abandonnent-ils le jeu libre?
Bruno Durand indique que plusieurs raisons poussent peu à peu les enfants à se désintéresser du jeu actif à l’extérieur, notamment l’hyper sécurité « Les parents ont une crainte irrationnelle que quelque chose de grave arrive à leur enfant s’ils le laissent sortir seul. Une crainte souvent exacerbée par les médias, ce qui amène à surprotéger nos enfants et à les retirer de leur habitat naturel (la nature) », explique-t-il.
Le kinésiologue croit que l’hyper encadrement des parents est aussi derrière la diminution du jeu libre. « Les parents ont l’impression que l’activité doit être structurée pour que l’enfant s’amuse. Ils ont la perception d’avoir à intervenir pour qu’il développe ses qualités. » Il cite aussi les jeux éducatifs et émissions pédagogiques. « L’école sort de l’école. Les principes éducatifs des professeurs se rendent à la maison et dans les CPE ».
Ce que les parents en pensent… et ce qu’ils font!
Pourtant, selon un rapport présenté par l’Université du Québec en Outaouais en collaboration avec Kino-Québec, les parents sont majoritairement en accord avec le jeu libre et actif, affirmant que les avantages que procure à leur enfant ce type de jeu l’emportent sur les risques de blessures mineures (88%). De plus, 95% d’entre eux trouvent important que leur enfant vive des expériences qui représentent un défi physique.
C’est dans la pratique que ça se corse, puisque seulement le quart des enfants sont autonomes dans leur quartier, 25% d’entre eux jouent régulièrement à des jeux de chamaille (qui permettent aux enfants de développer bon nombre d’habiletés) , et seulement 11% sont autorisés à grimper aux arbres.
7 façons de changer les choses
Selon, Bruno Durand, kinésiologue et formateur pour Attention enfants en mouvement, la révision de certaines règles peut avoir un impact positif sur le développement moteur, la réussite scolaire et le mode de vie physiquement actif des enfants.
1. Se questionner sur nos règles actuelles
C’est important de changer les règles pour que nos enfants soient encore des enfants.
2. Diminuer la pression sur nos épaules
Cesser la recherche de la performance à tout prix, accepter les erreurs.
3. Laisser les enfants s’ennuyer
Leur laisser du temps libre. L’ennui est important, ça leur permet de découvrir ce qu’ils aiment, ce qui les anime.
4. Réapprendre à faire confiance aux enfants
Sensibiliser les enfants au risque et leur apprendre comment y faire face. Puis leur laisser un peu de liberté!
5. Laisser les enfants connecter avec la nature
Même en milieu urbain, ça fait bouger. Même quand il pleut. Même quand c’est salissant!
6. Tisser des liens dans le quartier
S’il n’a pas d’amis au parc ou dans la ruelle, l’enfant rentrera chez lui. Tissez des liens dans votre voisinage, convenez de moments où les enfants peuvent jouer à l’extérieur ensemble, organisez avec les parents un horaire de supervision au parc du quartier, démarrez un Trottibus, etc.
7. Impliquez-vous à l’école, dans les milieux de garde et les CPE
Les parents ont un grand impact sur les règles en place dans ces milieux. Certains endroits interdisent les jeux de chamaille ou de ballons à la demande des parents plus craintifs. Votre implication peut permettre de changer les choses!
Un outil précieux pour le jeu risqué |
Consultez la brochure Sécurité bien dosée, enfant comblé, qui offre aux adultes (intervenants ou parents) des pistes de réflexion sur l’importance de la sécurité bien dosée et de la prise de risque pour le développement de l’enfant ainsi que sur le rôle qu’ils peuvent jouer. |
Sources :
- CHABOT, Guylaine, Ph. D., et DIONNE, Maude, M. Sc. LES PRÉOCCUPATIONS PARENTALES CONCERNANT LE JEU ACTIF DES ENFANTS DE 3 À 12 ANS À L’EXTÉRIEUR, Rapport présenté par l’Université du Québec en Outaouais en collaboration avec Kino-Québec, Juillet 2017.
- DURAND, Bruno. Jeu libre : au cœur du développement de l’enfant
Article réalisé en partenariat avec la Table sur le mode de vie physiquement actif (TMVPA). |