Intervenir auprès des jeunes dans une optique globale de promotion et de prévention de la santé. Tel est l’objectif de l’approche École en santé qui, issue d’une entente entre le Ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport (MELS) et le Ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS), se fraye timidement un chemin dans les écoles primaires et secondaires du Québec. Portrait d’une démarche qui progresse lentement mais sûrement.
Une approche en construction
Depuis plusieurs années, les éducateurs travaillent à définir les divers facteurs pouvant contribuer au bon développement des jeunes et à leur réussite scolaire. Ils s’attardent ainsi au développement des compétences sociales et de l’estime de soi, à l’importance de l’activité physique, de l’alimentation et des services préventifs, etc. Bref, à toutes ces variables pavant la voie de la réussite. Or, bien qu’au Québec il y ait, depuis une quinzaine d’années, une ambiance favorable à l’adoption et à la transmission de saines habitudes de vie, il n’existe pas de cours spécifique d’éducation à la santé, ni d’action concertée en la matière. D’où l’implantation, en 2004, de l’approche École en santé.
Cette initiative vise à harmoniser le bouillonnement d’idées qui circulent dans les écoles en matière de saines habitudes de vie.
« L’approche est un cadre, une direction à suivre, explique Marthe Deschesnes, chercheuse en santé publique à l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ). Il faut cesser de déployer une multitude d’actions sans savoir si elles sont efficaces comme c’est le cas à l’heure actuelle. » En mettant en place une planification plus structurée, l’approche cherche à offrir des conditions favorables à l’épanouissement de l’ensemble des jeunes québécois.
« Tous les éducateurs des écoles doivent se mobiliser dans la même direction et croire en leur efficacité collective » affirme Marie-Claude Rivard, professeure au Département des Sciences de l’activité physique à l’Université du Québec à Trois-Rivières et membre du Centre de recherche et d’intervention sur la réussite scolaire (CRIRES). Une étude qu’elle a menée, de 2007 à 2010, auprès de deux milieux scolaires de la Mauricie, lui a permis de constater que les directions d’établissements jouent un rôle déterminant dans l’implantation de projets valorisants.
Une adhésion mitigée
Dans le tiers des écoles publiques, les enseignants sont amenés à réorganiser leur horaire pour se concerter sur les objectifs et besoins de leur établissement dans une perspective École en santé. Bien que chacune de ces institutions scolaires bénéficie d’un comité responsable de la mise en place d’activités plénières, un surplus de travail s’impose à eux. Comme le constate Pascale Deslières, qui enseigne l’éducation physique à l’école primaire Saint-Gabriel-Lalemant de la Commission scolaire de Montréal, les professeurs sont déjà débordés. Ils ne sont pas prêts à assimiler de nouvelles tâches.
« Les écoles sont fatiguées», indique Yves Couturier, professeur agrégé à l’École de travail social de l’Université de Sherbrooke, qui reconnaît tout de même les effets positifs de certaines initiatives découlant du programme École en santé. En Abitibi, par exemple, un directeur très volontaire s’est notamment servi de l’approche pour convaincre la municipalité et la commission scolaire de construire un gymnase ouvert sept jours sur sept, et ce pendant de longues heures.
Signal d’alarme en sourdine
Fiches techniques, guides pratiques… L’État québécois met à la disposition des écoles des ressources afin de les aider à travailler collectivement au mieux-être du plus grand nombre. Mais le défi est de taille! D’un établissement à l’autre, le contexte varie énormément, et les écoles défavorisées font face à des contraintes qui limitent leurs actions de façon considérable. Bien que les jeunes d’aujourd’hui soient plus conscientisés que jamais en termes de comportements sains, la pauvreté constitue toujours un obstacle majeur qui freine la santé des établissements scolaires du Québec.
L’approche École en santé s’inscrit dans une démarche gouvernementale de longue haleine, d’où la nécessité, pour le MELS et le MSSS, d’opérer en bénéficiant de l’appui de l’INSPQ. « Nous travaillons actuellement au développement d’une stratégie de soutien aux acteurs qui veulent l’instaurer », souligne Yves Couturier. Membre de l’équipe de recherche de l’Institut, il juge que trop peu de moyens financiers sont déployés pour aider à l’implantation de projets intégrateurs. « C’est comme si on disait aux corps enseignants, on a un beau «kit» à vous vendre, on va vous former, mais on ne vous donnera pas vraiment les moyens de changer les choses. »
Libres d’adopter l’approche, les écoles s’efforcent de plus en plus à mieux promouvoir les saines habitudes de vie. Malgré cela, la prévention demeure le parent pauvre du monde de la santé. Elle est pourtant perçue comme la meilleure assurance vitalité qui soit, et constitue un réel investissement pour le bien-être des jeunes et de la société. «Si on n’agit pas, on va avoir une génération de diabétiques précoces qui va coûter très cher à la société», explique Yves Couturier. Bien que la plupart des décideurs en soient conscients, il semble que le passage à l’acte demeure difficile.