Mes enfants sont nés d’une union hétérosexuelle. Ma plus vieille était âgée de 8 ans, mon second, de 6 ans et ma plus jeune, de 3 ans lorsque je leur ai annoncé que j’avais quelqu’un dans ma vie, et qu’il s’agissait de Maude.
Leur réaction : enthousiasme, excitation et soulagement. Comment une telle réaction est-elle possible, venant d’enfants ayant vécu auparavant toute leur vie au sein d’une famille nucléaire hétérosexuelle? À travers le récit de mon expérience, je vous partage ici mon avis sur la question.
Tout d’abord, j’ai rencontré Maude un an et demi avant que nous ne formions un couple, et mes enfants ont eu le loisir de la côtoyer plusieurs fois durant cette période. À cette époque, nous n’étions qu’amies, mais les enfants étaient toujours heureux de la voir. Lorsque je leur ai annoncé qu’elle était mon amoureuse, ils n’étaient donc pas en terrain inconnu. Le fait que nos enfants connaissent déjà la personne que l’on aime n’est malheureusement pas une chose que l’on peut contrôler, mais il s’agit clairement d’un facteur facilitant lorsqu’ils apprécient la personne en question. C’était le cas de mes enfants.
Mais… Maude est une femme. Moi aussi. Mes enfants ont-ils relevé cet état de fait? Étaient-ils mal à l’aise de constater que leur maman était amoureuse d’une femme? Pas du tout.
L’amour n’a pas de genre
Le raisonnement de ma plus vieille en surprendra peut-être plus d’un, mais illustre à quel point ce sont souvent les adultes qui projettent leurs craintes sur les enfants. Enthousiasmée par la nouvelle, ma plus vieille m’a répondu que, même si je lui avais souvent répété que jamais personne ne prendrait la place de son papa, elle était soulagée : Maude étant une fille, une telle éventualité était donc impossible. Quant à mes deux plus jeunes, ils étaient tout simplement heureux de la nouvelle, et discutaient déjà des activités qu’ils pourraient faire avec Maude. Ils étaient tous les trois excités et avaient hâte qu’elle vienne nous rendre visite. Cela fait maintenant plus d’un an que Maude et moi sommes en couple, et c’est une grande joie pour moi que de voir la belle relation que mes enfants développent, au fil des mois, avec elle.
Qu’est-ce qui explique cette absence totale de surprise ou de malaise devant l’amour de leur mère pour une femme? Je crois que leur éducation a joué pour beaucoup dans l’équation.
1. Mes enfants sont en contact avec l’homosexualité
Mes enfants savent depuis toujours que les garçons peuvent s’aimer entre eux, et que les filles aussi. Je n’ai pas fait qu’éviter la question de l’homosexualité avec eux, je leur ai parlé des personnes LGBT+. Ils savent que nous constituons une minorité, et que la majorité est hétérosexuelle. Ils savent que les personnes LGBT+ sont parfois discriminées par les autres, et que ces comportements discriminatoires sont inacceptables.
Il en va de même pour les membres des minorités autres que sexuelles; mes enfants savent que c’est « méchant » de discriminer quelqu’un à cause de la couleur de sa peau, de ses croyances religieuses ou de son origine ethnique. Évidemment, ils savent qu’on peut tout à fait apprécier ou non certaines personnes, avoir le goût d’être ami avec telle personne, mais pas avec telle autre. En revanche, ils sont conscients qu’il est inadmissible d’intimider quelqu’un ou d’inférer quoi que ce soit sur le comportement d’une personne en s’appuyant sur des caractéristiques relevant de son identité ethnique, religieuse ou sexuelle.
2. J’ai opté pour une éducation non genrée
Mes enfants ont été éduqués en dehors des stéréotypes de genre. Autant mon garçon que mes filles peuvent jouer au camion, à la poupée, au coiffeur, au superhéros, au scientifique, au salon de beauté, à la cuisine. Mes filles peuvent se déguiser en Capitaine America, mon garçon peut se déguiser en reine Elsa. Mon garçon peut porter du vernis à ongles, mes filles peuvent grimper aux arbres et jouer dans la terre. Le rose et le bleu n’ont pas de genre sous mon toit. En clair, je les laisse libres de choisir les jouets avec lesquels ils souhaitent jouer et les activités qu’ils souhaitent pratiquer, en évitant de passer des commentaires empreints de stéréotypes quant au genre auquel notre culture renvoie les jouets et activités en question.
3. J’évite les termes hétéronormatifs
J’évite (non seulement avec mes enfants, mais dans la vie en général) de parler en termes hétéronormatifs. Je n’ai par exemple jamais dit à mon garçon qu’il briserait le cœur des filles ni à mes filles qu’elles briseraient le cœur des garçons. En revanche, je leur ai souvent dit que je souhaitais qu’ils soient heureux, peu importe qu’ils soient amoureux d’un garçon, d’une fille ou qu’ils demeurent célibataires.
4. J’encourage mes enfants à se questionner
Chaque fois qu’ils expriment des idées qui s’apparentent à des croyances que je juge erronées (il s’agit très souvent de choses entendues à l’école, à la garderie, ou encore à la télévision et sur YouTube), je les encourage à se questionner et à remettre en question ces idées. Je leur enseigne que le dialogue et la réflexion priment les idées reçues.
Dis-leur aux gens qu’on l’aime Maude, qu’on est heureux qu’elle soit dans notre famille, pis que les filles peuvent aimer des filles, et que les gars peuvent aimer des gars, pis que c’est normal. Que c’est l’amour qui compte. — La fille d’Alexandra
Les enfants ne naissent pas remplis de préjugés. C’est dans le regard des adultes qui les entourent qu’ils développent différentes croyances, qu’elles soient vraies ou fausses. Plus ces croyances sont ancrées profondément, plus elles sont difficiles à remettre en question et à rejeter lorsqu’elles se révèlent fausses. Pour un enfant qui grandit dans un milieu où les adultes qui les entourent sont non seulement ouverts d’esprit, mais prennent des précautions pour éviter que leurs petits n’adhèrent à des croyances préjudiciables, l’amour n’a pas de genre.
Je conclurai avec les mots de ma plus vieille, lorsque je lui ai annoncé qu’une dame que je connaissais m’avait contactée pour me demander de témoigner de mon expérience.
« Wow maman!, » s’est-elle exclamée. « Tu dois vraiment le faire! Dis-leur aux gens qu’on l’aime Maude, qu’on est heureux qu’elle soit dans notre famille, pis que les filles peuvent aimer des filles, et que les gars peuvent aimer des gars, pis que c’est normal. Que c’est l’amour qui compte. »